MATISYAHU

Avec sa longue barbe, sa kippa et son chapeau, on le prendrait pour un rabbin tout droit sorti de sa synagogue. Mais détrompez vous, car le jeune homme qui se tient devant vous est la nouvelle coqueluche du reggae. De son vrai nom Matthew Paul Miller, Matsyahu (équivalent hébreu du nom Matthew  qui signifie « don de Dieu ») voit le jour le 30 juin 1979 à West Chester dans l’état de Pennsylvanie aux Etats-Unis. Peu de temps après sa famille juive mais non orthodoxe s’installe à Berkeley (Californie), puis à White Plains dans l’Etat de New-York. Celui qui se destinait à une carrière de hockeyeur dans la célèbre NHL vire complètement de bord à ses quatorze ans et entame une vie de hippie.

Le jeune Matthew se laisse alors pousser des dreadlocks, devient fan de Greatful Dead, se met au bongo et au lieu d’écouter les profs, se met à imiter des boîtes à rythmes sur les tables de la classe. Celui qui deviendra Matisyahu quelques années plus prend vite conscience qu’il n’est pas fait pour l’école brûle ses cours de chimie, quitte White Plains et part dans un camping dans le Colorado. Et là, dans l’immensité des montagnes rocheuses, le garçon dit avoir « une révélation  et  découvre son Dieu ».

Matthew devient orthodoxe en 2001 et commence à jouer avec le groupe juif Pey Dalid et parallèlement, mène des études intensives au Hadar Hatorah, une yeshiva (école) pour les nouveaux croyants du judaïsme orthodoxe. C’est dans cette yeshiva que Matthew écrit et enregistre son premier album alors qu’il y est encore étudiant. Il choisit comme nouveau nom Matisyahu quand il se tourne vers le mouvement Chabad Loubavitch.

Son apparition sur la scène musicale intrigue car il n’est pas commun de voir un yiddish chanter du reggae, faire du beatbox et se réclamer du rastafarisme. Pourtant, le mouvement rasta est basé sur l’idée selon laquelle les Africains arrachés à leur terre natale  ne sont que les descendants des juifs chassés de Babylone et qui doivent retrouver en Afrique la Terre Promise, d’où le célèbre slogan de Marcus Garvey, « Back to the Promised Land ». Pour preuve, la chanson « Rivers of Babylon » originellement chantée par les   Melodians, et que les Boney M ont transformée en tube planétaire, est directement tirée du psaume 137 du Livre des Psaumes.

Quoi qu’il en soit, Matisyahu continue son bonhomme de chemin et sort un premier album studio en 2004 avec l’aide du backing-band Roots Tonic composé de Aaron Dugan, Josh Werner et Jonah David. Cet opus qui porte le nom de « Off the dust. . . Arise » s’inscrit dans les racines traditionnelles des rythmiques Rasta combinées avec du son dub. Le style que Matisyahu développe dans cet album se rapproche beaucoup de Sizzla, Capleton, Buju Banton ou Junior Kelly mais avec une base rythmique proche de Luciano ou Everton Blender. On peut également trouver des similitudes avec la Foundation Sound des années 80 ainsi qu’avec Morgan Heritage, même si Matisyahu toaste plus qu’il ne chante. Cet opus provoque une courte période d’excitation et Matisyahu retombe quelque peu dans l’anonymat.

Il faut attendre 2006 et la représentation live de « King Without a Crown » pour voir Matisyahu gagner le respect du grand public. La vidéo de cette chanson produite par Bill Laswell figure vite dans le top 10 et permet enfin à Matisyahu de recueillir les fruits du labeur acharné entamé des années plus tôt. Le pied à l’étrier, il poursuit son bonhomme de chemin et sort  » Youth Dub » et divers autres remix quelques mois plus tard. Mais c’est l’album « Light » sorti en 2009 chez Epic Records qui va mettre tout le monde d’accord sur le talent de Matisyahu. Cet opus chaleureux révèle un jeune chanteur proche de la maturité dont le « flow » (débit vocal) proche des dj originels se marie admirablement à un art maîtrisé du human beatbox et où le Hazzan des chanteurs juifs hassidiques est intelligemment intégré.

Au delà se la musique, Matisyahu veut rassembler. Pour preuve, il arrive fréquemment que « Mathis » se produise avec Kenny Muhammad, un beatboxer musulman afin de propager un message de paix au moment où le conflit israélo-palestinien embrase le Moyen-Orient. Ses fans sont issus de toutes les confessions et de toutes les couches sociales comme pour rappeler le message éternel du reaggae : One love for ever ! Zack Badji

Illustration: dessin à la pluma de Régine Coudol-Fougerouse

 

 

 

 

 

 

 

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