Les croisés du reggae

Plus de trente ans après sa mort, Bob Marley continue d’être considéré comme un prophète. Parti des ghettos de Trenchtown, il a fini sa vie comme voisin du Premier Ministre jamaïcain. Comme un pied de nez au fatalisme qui veut qu’on naît pauvre et qu’on meurt pauvre, Bob, avec pour seule arme sa guitare et son groupe de potes, a conquis le monde sans tirer une seule balle. Mais tout cela n’aurait pas été possible sans l’engagement sans faille des Wailers, ces croisés du reggae à la foi inébranlable  qui ont sacrifié leurs carrières respectives pour répandre un message d’amour et de fraternité.  Comme les I Threes, ces femmes    qui nous rappellent les fières amazones des plaines ancestrales d’Afrique,  les Wailers méritent de figurer au Panthéon de la musique. D’abord pour avoir généré un immense espoir dans le monde et permis l’affirmation puis l’acceptation de la spécificité de la cause black. Ensuite  pour avoir contribué à extraire des rues boueuses et ensanglantées de Kingston ce joyau nommé reggae, qui après le rock, est incontestablement l’apport le plus important que l’on ait pu faire à la musique depuis le rock.

 

                 Aston Barrett  le gardien du temple

Lorsqu’en 1992, le magazine Bass and Drums entreprit la redoutable tâche de dresser la liste des meilleurs bassistes de l’histoire de la musique, Aston Barett occupa une honorable douzième place. Certains l’auraient peut-être mis en premier, d’autres en dernier, mais l’important se trouve ailleurs car ce classement illustre surtout la place immense qu’occupe le légendaire bassiste des Wailers .

Roger Steffens, grand spécialiste de Marley, a dit à propos de Aston Barett : « Tant qu’il y a Family Man à la basse, le groupe peut s’appeler les Wailers ». C’est vous dire . .  . Avec son frère Carlton avec qui il a formé l’une des meilleures sections rythmiques de tous les temps, Aston Barett, aussi connu sous le nom de Family Man à cause de ses nombreux enfants (plus de quarante de mères différentes) est certainement l’architecte de ce mouvement qui continue d’embraser les cœurs et que l’on nomme reggae.

Né le 26 novembre 1945, Aston Barett commence sa carrière en jouant avec tout ce que la Jamaïque compte de grands artistes parmi lesquels on peut citer Burning Spear, Horace Andy, The Heptones, mais c’est surtout au sein des  Upsetters que Family Man va faire ses armes à partir de 1969. Poly-instrumentiste et arrangeur de génie, il va insuffler à la musique des Wailers cet indéfinissable mélange fait de ska, de blues et de musique traditionnelle jamaïcaine. Aston Barett n’est pas un virtuose de la basse comme Marcus Miller ou Jaco Pastorius, mais son génie se trouve dans  cette manière si particulière qu’il a de placer les notes et d’utiliser les silences pour se fondre dans la mélodie. Aujourd’hui encore, il continue de faire étalage de sa science du rythme au sein des Wailers, même si c’est médiatiquement qu’il s’est surtout signalé, notamment en 2005, où il intenta un retentissant procès à Rita Marley pour des millions de livres de royalties qu’il n’obtint jamais.

                         Carlton Barrett:  le feu éternel

Carlton « Carly » Barett est né le 17 décembre 1950 à Kingston en Jamaïque. Dès son plus jeune âge, il montre un vif intérêt pour la musique et encore adolescent, il construit sa première batterie avec des boîtes de peinture vides. Premièrement influencé par Lloyd Knibes le légendaire batteur des Skatalites, il grandit dans l’effervescence de Kingston alors secouée par l’effervescence du ska émergeant.Carlton Barett commence à se faire connaître en compagnie de son frère aîné Aston au sein de leur premier groupe dénommé  The Hippy Boys.

Repérés par Lee « Scratch » Perry, ils enregistrent pour lui un tube international, « Return of Django », sous le nom The Upsetters. Mais l’immense talent des frères Barett dépassa bientôt les ambitions des Upsetters, et c’est tout naturellement qu’en 69-70, Carlton et Aston se joignirent aux Wailers de Marley pour plusieurs singles comme Duppy Conqueror, Soul Rebel ou Small Axe qui constituent les fondements du son naissant des Wailers.

Lorsque les original Wailers Peter Tosh et Bunny Wailer quittent le groupe en 1973, Carlton et Aston décident de rester avec Bob et enregistrent  Natty Dread en 1974, et pour cet album, Carlton est crédité de deux compositions :Natty Dread et Them Belly Full, bien qu’en réalité ce soit Bob lui-même qui a composé les dits titres. Régulièrement présent sur tous les albums et les tournées jusqu’à la mort de Bob Marley, Carlton Barett fut le premier à pratiquer le « One Drop », ce rythme qui constitue la base du reggae, et cela jusqu’à nos jours.

Son style si particulier peut être entendu dans chacun des enregistrements des Wailers produits depuis 1969 et Carly prend à ce moment une place tellement importante qu’il  co-écrit au passage le bouleversant « Talking Blues » où il sème les graines du reggae actuel. Avec les beats de Carly et la basse d’Aston, les Wailers ont révolutionné la musique moderne, formant l’une des sections rythmiques les plus performantes de tous les temps. Malheureusement, le vendredi 17 avril 1987, Carlton Barett fut brutalement arraché à l’affection des siens. Alors qu’il ouvrait le portail de sa maison, un tueur à gages probablement payé par sa femme le blessa mortellement de plusieurs balles tirées à bout portant. Comme son ami Bob Marley, il avait 36 ans.

Al Anderson  le rock des Wailers

Contrairement à la grande majorité des Wailers, Albert Anderson, plus connu sous le nom d’Al est citoyen américain. Né à New-York en 1950, il fréquente le Montclair High School où,  adolescent, il apprend à jouer du trombone. Plus tard, il s’inscrit au célèbre Berklee College of Music et se met à la guitare basse.

C’est à cette période qu’il rejoint les Centurions, un groupe de rock au sein duquel il se fait remarquer par Chris Woods de Traffic qui l’invite à jouer sur son prochain album. Cet album ne vit jamais le jour, mais Al continua à travailler pour Island Records, un label appartenant au groupe Traffic.

Island Records étant aussi la maison de disques de Bob Marley, c’est tout naturellement que l’on demanda à Al de participer aux enregistrements en cours de « Natty Dread » le nouvel album des Wailers en tant que lead guitar. C’est ainsi qu’il fit admirer son incomparable technique sur le titre Crazy Balhead et sur l’album Live!, apportant aux Wailers cette touche rock qui allait leur permettre de séduire un public occidental peu habitué au style purement « roots » des Wailers.

En 1976, Al quitte Marley et rejoint le groupe Word, Sound and Power, puis accompagne Peter Tosh sur les albums Legalise It et Equal Rights. C’est pour les besoins des albums Survival et Uprising qu’Al Anderson retrouve les Wailers,distillant à l’occasion des interventions dont s’inspirent encore un nombre incalculable de solistes.

Ce ne sont pas là les seules talents du bonhomme puisque parallèlement à son apport à la musique propement dite, Al fait aussi montre de ses talents de graphiste et de dessinateur en participant à la réalisation de plusieurs pochettes d’artistes dont celles des Wailers. Après la mort du pape du reggae, Anderson continua à tourner avec les Wailers, et en 2008, il fonde son propre groupe dénommé The Original Wailers avec Junior Marvin, lui aussi compagnon de route de Marley.

Alvin Seeco Patterson, la force tranquille

Alvin Seeco Paterson occupe une place particulière dans l’histoire de Bob Marley et des Wailers. En effet, si son apport musical ne fut pas aussi déterminant dans l’avènement du reggae comme ce fut le cas pour les frères Barett, il n’en demeure pas moins qu’il symbolise l’enracinement et le conscience rasta des Wailers. Plutôt connu sous le nom de Seeco, il est né le 30 décembre 1934 à Cuba.

Fils d’un ouvrier jamaïcain et d’une artiste panaméenne, il prit le nom d’Alvin Patterson pour la scène quand il commença à tâter des percussions dans les années 60. C’est enfant qu’il arrive en Jamaïque quand ses parents s’y installent et vit d’abord à Westmorland où son père était fermier, mais à la suite du divorce de ses parents, il s’installe à Kingston avec sa mère. Jeune homme, il travaille dans une mine de bauxite, et en 1957, il décide de partir pour les Etats-Unis en quête d’une vie moins difficile. Alors qu’il s’apprête à partir, survient le terrible accident de train de Kendal du 1er septembre qui causa la mort de 200 personnes et en blessa 700. Seeco renonce à son rêve américain et revient dans les Caraïbes pour chercher ses parents blessés dans l’accident. Ses projets étant momentanément suspendus, il retourne à Kingston et à sa dure vie de mineur.

C’est à cette période qu’il rencontre un adolescent du nom de Bob Marley, de dix ans son cadet, qui comme lui vit dans les bidonvilles de Trenchtown. Bob s’attache d’abord à Seeco pour ses talents de joueur de cricket et le suit partout pour apprendre ce sport, mais aussi parce qu’il voit en Seeco une sorte de figure paternelle. Bob et Seeco grandissent ensemble, partageant de durs moments, et quand Bob commence à chanter, Seeco l’encourage et le conseille puisqu’il possède déjà une solide expérience en tant que percussionniste du fameux chanteur de calypso Lord Flea.

C’est Seeco qui va emmener les original Wailers ( Peter Tosh, Bunny Wailer et Bob) au studio de Coxsonne Dodds pour leur première audition en juillet 1964. Alors que les Wailers commencent leur ascencion, Seeco continue son travail de mineur, et c’est seulement après un accident où il frôle la mort que Bob le convainc d’abandonner l’extraction du charbon. Nous sommes en 1966 et Seeco commence alors à apporter sa science des percussions à la musique des Wailers notamment sur les titres »Lyrical Satyrical I » et l’émouvant « This Train ».

Quand en 1973, Bob, Peter et Bunny se séparent, Seeco devient un membre à part entière du nouveau groupe désormais drivé par Bob Marley. Son style inventif apporte de la profondeur à la musique desWailers et apporte un ancrage dans la tradition des percussions rasta. L’utilisation d’une bouteille de lait dont on entend distinctement le son sur le titre Jamming et ses questions-réponses sur Crazy Baldhead sont autant d’exemples de sa légendaire créativité. Même s’il n’est pas crédité de droits d’auteur officiels, il aura contribué à l’écriture de nombreux titres de Bob dont « Work ».

Tout au long de la carrière de Bob, Seeco aura été de tous les combats. Quand Bob subit un attentat en 1976, il échappe de peu à la mort en sautant par dessus le mur de la maison de Hope Road. Quand Bob s’effondre pour la dernière fois lors du fameux jogging de Central Park, Seeco y était pour soutenir son ami. Il restera également avec lui tout au long de son traitement contre le cancer, aussi bien à New York que dans la clinique du docteur Issels en Allemagne.

Après la mort de Bob, Seeco continue à jouer avec les Wailers, mais en 1990, il est victime d’une attaque cérébrale qui manque de l’emporter. Aujourd’hui, Seeco s’est retiré de la scène et vit à South Kingston, à un jet de pierre de ces rues où avait débuté son exemplaire histoire d’amitié avec Bob.

Earl « Wire »Lindo , le funambule des claviers

Earl Wilberforce Lindo, aussi connu sous le nom de « Wire « (prononcer Waya) est né 7 janvier 1953 à Kingston en Jamaïque. Lindo  commece son apprentissage à l’Excelsior High School où il joue du piano classique et de la basse, mais c’est au Studio One de « Sir » Coxsone Dodds que Lindo va faire ses armes en accompagnant de nombreux artistes jamaïcains.

Le voilà propulsé dans l’industrie du reggae et bientôt le jeune Earl côtoie les plus grands notamment quand il s’installe aux  claviers pour Tommy Cook et les Supersonics sur le titre « The Ball » qui devient très vite un tube.Pendant cette période, Earl va aussi jouer au sein des Meters aux côtés de Bobbie Kalphat et Bobby Denton avec qui il va accompagner Bob Andy, Peter Tosh et Dennis Brown. Mais les Meters se séparent et Lindo rejoint le groupe Now Generation qui à cette époque, joue pour Sharon Forrester, membre de l’écurie du producteur chinois Geoffrey Chung.

Un an plus tard, Lindo est recruté avec les frères Barett pour participer à une tournée de Peter Tosh aux Usa et c’est durant ce périple que le jeune Earl Lindo prouve à tous qu’il était prêt à jouer dans la cour des grands. L’occasion se présente en 1972, quand sur les conseils des Barett, Bob Marley l’invite à rejoindre les Wailers  pour « Burnin’» leur premier album international.

Mais en 1974, Earl quitte les Wailers pour de mystérieuses raisons, s’installe aux Etats-Unis et s’engage aux côtés du bluesman Taj Mahal avec qui il produit de nombreux titres dont le fameux « Black Man Brown Man » qui sera plus tard repris par Judy Mowatt.

C’est en 1977 que Lindo rentre en Jamaïque et apparaît sur plusieurs albums d’artistes de reggae comme Big Youth, Culture, I. Roy et Al Brown. Durant son retrait des Wailers, Lindo a ausii produit deux chansons en solo, « No Soul Today » et « Who Done It ».  En 1978, Lindo retrouve les Wailers et participe aux albums « Babylon By Bus » , « Survival » et « Uprising » dans lesquels il étale toute sa classe. On le voit notamment dans le fameux film de la chaîne Jbc où Marley livre une version acoustique bouleversante de « Redemption Song » et à cette occasion, Lindo donne à la prestation un relief particulier avec son style résolument jazz et bluesy. Depuis la mort de Marley, Lindo s’est installé à Londres avec sa famille et continue de participer aux tournées des Wailers tout en poursuivant des projets personnels.

Junior Marvin, le virtuose

Plus connu sous le nom de Junior Marvin, Donald Hanson Marvin Kerr est né en 1949 à Kingston en Jamaïque. Il commence sa carrière de guitariste-chanteur en 1973 avec son propre  groupe dénommé Hanson et enregistre deux albums. C’est en février 1977 qu’il rencontre Bob et se joint aux Wailers.

Véritable virtuose de la guitare, Junior Marvin apporte à la musique de Marley une profondeur mélodique incontestable, en même tant qu’il fait preuve d’une présence scénique hors normes. Hormis ses talents d’instrumentiste et de chauffeur de salle, Junior va démontrer ses aptitudes vocales avec une voix chaude et grave comme sur le titre « Get Up, Stand Up » où il contrebalance merveilleusement les chœurs des I Threes.

Après la mort de Bob, il s’appliquera à maintenir la flamme des Wailers dont il devient le leader, produisant les albums ID, Majestic Warriors, Jah Message et l’exçellent Live 95-97 My Friends. En 1997, Marvin quitte les Wailers et s’installe au Brésil où il crée un éphémère groupe dénommé Batuka. A son retour en Jamaïque, il devient musicien de studio  et accompagne de nombreux artistes comme les Israel Vibration ou Alpha Blondy dont il conçoit entièrement l’album Jah Victory en 2007.  La même année, il publie un album solo intitulé Wailin For Love, avant de reformer les Original Wailers avec son compère Al Anderson en 2009. Depuis lors, il sillonne le monde pour répandre un message de paix et d’amour et devrait normalement s’arrêter en France pour quelques dates.

Tyrone Downie, le surdoué

Tyrone Downie est né le 20 mai 1956 à Kingston en Jamaïque et très jeune, il commence à jouer de l’orgue à l’église.Tout juste âgé de 14 ans, il est recruté par Aston Barett pour faire partie des Young Profesionals, un collectif de jeunes talents qui compte également en son sein un certain Robbie Shakespeare.

De dix ans son aîné, Aston Barett va jouer un grand rôle dans la carrière de Tyrone puisque c’est également  lui qui, en 1972, va lui permettre de participer à certains enregistrements de Catch A Fire alors que Tyrone n’a que 16 ans. Cependant, il faudra attendre 1976 pour voir Tyrone devenir un membre permanent des Wailers d’une part parce que Bernard « Touter » Harvey qui avait joué les claviers sur « Natty Dread » en 1974  était trop jeune pour partir en tournée, et d’autre part à cause de l’absence prolongée d’Earl « Wire» Lindo.

Et si Tyrone est de loin le plus jeune des Wailers , il n’en reste pas moins des plus talentueux, en témoigne sa prestation stratosphérique dans l’album Live at The Lyceum de 1975 où Tyrone démontre une maîtrise exceptionnelle de son instrument au point où les spectateurs du concert le décrivent comme une « pieuvre » déployant ses tentacules alors qu’il jouait simultanément sur un piano Rhodes, une orgue Hammond et sur des synthés avec une aisance déconcertante.

A partir de ce moment Tyrone  gagne définitivement sa place au sein des Wailers avec lesquels il participera à tous les album et devient même le porte-parole attitré des Wailers. On  verra souvent Tyrone assister Marley au cours des conférences de presse durant lesquelles il fait preuve d’une grande intelligence pour répondre aux questions –pièges des journalistes.

Après la mort de Bob, Tyrone s’installe en France d’où il continue d’accompagner et de produire de nombreux artistes dont Tiken Jah Fakoly, Burning Spear, Steel Pulse ou Youssou Ndour dont il a produit l’album « Remember » en 2001. Zack Badji

 

Judy Mowatt, la mystique

    

Quand Judy Mowatt vient renforcer les I Threes en 1974, elle n’est pas une novice dans le domaine de la chanson. C’est à Kingston où elle est née en 1953 que Judy commence à taquiner le micro au sein du groupe The Gaylettes qu’elle avait formé avec Beryl Lawrence et Merle Clemencon. Quand trois ans plus tardn Beryl et Merle partent tenter leur chance aux Usa, Judy entame une carrière solo sous le nom de Juliann. Malgré un succès d’estime, notamment pour le titre « I Shall Sing », la carrière de Judy ne décolle pas vraiment.

Les choses vont changer quand en 1974, Rita Marley propose à Marcia Griffiths et à Judy de devenir ses choristes pour un duo qu’elle interprète avec Bob Andy pour le compte de Studio One. L’expérience s’étant avérée concluante, les trois jeunes femmes décident de fonder les I Threes pour accompagner les Wailers lors de leurs tournées internationales.

En 1979, Marley demande à Judy d’être la première artiste à enregistrer pour son label Tuff Gong. Ce sera l’album « Black Woman », véritable perle musicale taillée par Bob Marley et Freddie Mc Gregor et dont continuent de se délecter les amoureux de reggae. Judy enchaîne avec « Only A Woman » en 1982 et « Mr Dj » qu’elle publie sur son propre label  Ashandan la même année. Suivront les albums « Working Wonder » chez Shanachie en 1985 et son magnifique « Love Is Overdue » sorti chez Greensleeves en 1986.

Aujourd’hui, Judy Mowatt s’est un petit peu mise en retrait de la scène, se consacrant d’avantage à des actions d’ordre caritatif. Mais celle qui fut la première femme à sortir un album de reggae ne refuse jamais l’invitation des Wailers quand ces derniers lui demandent de reformer les I Threes avec Rita et Marcia .

Rita Marley, la pasionaria

Alpharita Constantia Anderson plus connue sous le surnom de Rita Marley est née le 25 juillet 1946 à Santiago de Cuba. L’histoire retiendra qu’elle est la pierre angulaire de la maison Wailers dont elle est toujours la mère vénérée et le témoin privilégiée d’un destin hors normes.

Des ghettos de Kingston où ils se sont rencontrés et mariés en 1966 jusqu’au firmament de la gloire internationale, elle aura tout partagé avec Bob. Pendant quinze ans,Rita l’aura suivi sur scène et dans l’intimité, lui donnant six enfants et la force dont l’icône de la Jamaïque avait besoin au plus fort de la galère. Pourtant, quand ils se rencontrent, ce n’est pas le coup de foudre puisque Rita est très courtisée en Jamaïque et trouve Bob « trop maigre ».

C’est après une cour assidue et des trésors de diplomatie que Rita cède et accepte de se donner corps et âme pour aider Bob à réussir son pari de sortir le reggae des faubourgs de Kingston.

A cette époque, Rita est très connue en Jamaïque puisque son groupe  les Soulettes,qu’elle forme avec Marcia Grifffiths et Judy Mowatt  travaille pour Studio One et collectionne les hits. Quand Peter Tosh et Bunny Wailer quittent les Wailers en 1965, Bob se tourne vers Rita et ses amies pour les remplacer aux choeurs. Les Soulettes deviennent les I Threes et se mettent au service des Wailers pour ce que Rita qualifie de « mission divine ». Tout le monde connaît le résultat puisque les I Threes ont donné à la musique des Wailers une touche soul et une profondeur mélodique qui ont permis au reggae de toucher un public plus large.

Aujourd’hui âgée de 66 ans, Rita vit toujours en Jamaïque, mais aussi à Miami et en Californie pour passer du temps avec ses enfants. Avec sa fondation, elle s’investit au Ghana où elle a construit une école, une clinique et un studio afin d’aider les déshérités.

 Marcia Griffiths, la diva

Marcia Llyneth Griffiths est née le 23 novembre 1949 à Kingston en Jamaïque. Très jeune, Marcia fréquente assidûment le chœur de l’église et quand elle ne va pas à l’école, s’exerce aussi à la chanson profane.Un jour où elle répète dans sa chambre, Phillip « Boasie » James du duo Blues Busters remarque sa voix troublante et la présente aussitôt à Byron Lee, le patron de la maison de disques Dynamic Sounds. D’autres  managers ont flairé le filon et entrent alors en compétition avec Byron Lee pour recruter Marcia, mais c’est l’incontournable Coxsone Dodds de Studio One qui va rafler la mise et le la prendre sous son aile.

Après des duos avec Tony Gregory et Jeff Dixon, Marcia enregistre en solo les futurs standards comme « Truly », « Mark My World » ou « Let Me Be Yours ». A la fin des années 60, elle enregistre « Young Gifted and Black » en duo avec son compagnon Bob Andy avec qui elle va produire deux albums. Entre les deux, elle a participé à trois chansons d’un album des Reggaes, un groupe jamaïcain formé par les frères Conroy et Ashley Cooper. Marcia enregistre ensuite chez Lloyd Charmers l’excellent album « Play Me Sweet And Nice » qui contient le duo « play Me ». L’année suivante paraît l’indispensable compilation de dix chansons enregistrées pour Studio One.

Mais c’est en 1975 que la consécration arrive quand Marcia forme le groupe I-Threes avec Rita Marley et Judy Mowatt. Pendant six ans, elles vont accompagner les Wailers sur six albums, gagnant l’honneur et la reconnaissance de la scène reggae.

Après la mort de Bob en 1981, les I-Threes  continuent de travailler ensemble, produisant deux albums, mais Marcia va surtout se signaler avec « Electric Boogie » qui jusqu’à nos jours reste la plus grosse vente d’une artiste féminine en Jamaïque.

Durant les années 90, Marcia sort plusieurs albums pour Donovan Germain dont « Indomitable » et « Land Of Love. Même si ses sorties les plus récentes datent de 2005, Marcia continue d’enregistrer pour Donovan Germain ou Beres Hammond tout en se produisant régulièrement avec les Wailers.

En 2002, quarante ans après ses débuts dans la musique, Marcia Griffiths reçoit une récompense d’excellence des mains du Premier Ministre jamaïcain qui, à l’occasion, évoque « l’apport inestimable de Marcia Griffiths au développement de son pays ».

Une reconnaissance méritée quand on sait que Marcia  à travers sa fondation, soutient financièrement femmes, enfants et personnes âgées des quartiers défavorisés tout en dirigeant une école de musique au collège Edna Manley de Kingston. Zack Badji         

Illustration: lavis au brou de noix de Régine Coudol-Fougerouse


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