KULTIRATION

Un jour où il donnait à une interview à la BBC, Bob Marley avait dit ceci : « J’espère qu’un jour, le reggae ira au delà de la Jamaïque et touchera des gens de tous les peuples. » Trente ans après sa mort, il semblerait que son rêve se soit réalisé car le reggae est devenu la voix des sans voix et partout dans le monde, la Jah music s’est imposée comme l’exutoire de peuples que les systèmes politiques n’ont pu rendre heureux. La Suède n’échappe pas à ce raz de marée puisqu’elle enfanté l’une des plus belles découvertes musicales de ces cinq dernières années et qui a pour nom Kultiration.

Tout commence en 2003 quand Marcus Berg, jeune chanteur inconnu originaire de Göteborg en Suède décide mettre sur pied un groupe de reggae. Il se met à la recherche de musiciens pour l’accompagner dans son aventure et après des mois d’une quête durant laquelle il faillit jeter l’éponge à plusieurs reprises du fait qu’il n’avait pas de carte de visite, il parvient à convaincre sept musiciens qui formeront bientôt Kultiration.

Il s’agit de   Daniel Wejdin (double bass), Johan Jansson (batterie), Nils Dahl aux claviers, Jonathan Larsson à l’accordéon, Anders Auguston à la guitare, David Byström au trombone et Johan Asplund (trompette). Après des centaines d’heures de répétition, ils décident d’entrer en studio et quelques mois plus tard, sort « Om Gaia », le premier album de Kultiration. Enregistré dans le studio analogique Folkhemmet de Göteborg, cet opus livre une musique puissante qui fait tout de suite l’unanimité car il vient combler un gap dans le paysage musical suédois qui attendait depuis longtemps un groupe capable de constituer un lien entre le reggae et la musique traditionnelle locale.

En 2004, Kultiration investit de nouveau le Folkhemmet avec plus d’expérience et un sens aiguisé de la direction musicale en studio pour  sortir « Grogund », leur second album. L’auditeur peut nettement sentir le délicat mix des influences traditionnelles avec le roots reggae, ce qui permet à Kultiration d’aller au-delà du seul public reggae et d’attirer des gens venant de diverses sous cultures. Même les amateurs de world music, de pop ou de heavy metal succombent au charme de Marcus Berg et se ruent à ses concerts. En pleine tournée de promotion de « Grogund », Berg et sa bande  établissent la connection avec le légendaire dubmaster Internal Dread et après une petite séance où Internal Dread s’imprègne du son de Kultiration, la suite paraît des plus naturelles. Pendant que le chanteur Marcus Berg est en Indonésie où il se rend quand il écrit, le reste de la bande s’enferme dans le Rubadub Studio de Stockholm et sort le premier album dub de Kultiration.

La différence entre le reggae et le dub est que ce dernier ne comporte pas de plages vocales et se contente de remixer les instrumentaux tout en insistant sur ce que l’on appelle le drum and bass (basse et batterie) qui sont portés à leur summum par une savante utilisation de la réverbération. En somme, « il faut tuer la musique et la faire renaître » comme disait le génial inventeur jamaïcain du dub, le légendaire Lee « Scratch » Perry.

Au retour de Marcus Berg d’Indonésie, le groupe retourne en studio et livre son troisième album en 2007. « Döden Föder » (un titre qui indique une dichotomie contemplative entre la vie et la mort, la destruction et la construction. .  .) est un opus qui apporte autant de clarté que d’ombre à l’auditeur et où Kultiration livre les fruits de la maturité. L’album va tout droit au sommet des charts suédois, une authentique performance dans le paysage hyper concurrentiel du pays et qui plus est, émane d’une formation de l’underground sans le background d’une major derrière elle. Une tournée scandinave triomphale suit la sortie de « Döden Föder » et au cours de laquelle Kultiration va donner une cinquantaine de concerts pendant l’été et le printemps 2007.

La musique de Kultiration est désormais entrée dans les cœurs et y restera sans doute longtemps car elle trouve son inspiration dans toutes les cultures. Elle transcende les styles et les barrières linguistiques pour s’adresser au monde d’aujourd’hui tout en prenant racine dans la musique traditionnelle suédoise. Tout cela résonne en une symphonie magique à laquelle violon, accordéon cuivres ou double basse apportent une profondeur mélodique sans pareille et que soutient magistralement la sublime voix de Marcus Berg. Zack Badji

Illustration: aquarelle de Régine Coudol-Fougerouse

 

 

 

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