Jeanne plus Added que jamais

Jeanne ADDED - tPeu d’artistes ont tenté, encore moins réussi le pari d’opérer une mue aussi radicale. Beaucoup en rêvent, peu le font tant le risque de perdre son public est grand d comme cela est arrivé à beaucoup d’artistes qui ont tenté le coup.Jeanne Added l’a fait à 33 ans, armée d’une technique vocale imparable sous-tendue par une foi et une énergie débordantes. Elle a quitté le monde feutré du jazz pour se jeter dans le chaudron de la pop-rock moderne pour un résultat qui frise la perfection.

Elevée à Reims dans un milieu universitaire où le jazz est une religion, Jeanne est désignée à ses quinze comme « spécialiste de la musique » par ses parents qui lui demandent de s’occuper de la discothèque familiale. Avec ses parents, elle fait consciencieusement des courses chez les disquaires, suivant une liste imaginaire des classiques à écouter absolument. « l’été de mes treize ans, je me suis retrouvée à chanter  Stairway to Heaven de Led Zeppelin devant toute la colo. Ce fut le tout premier déclic ».

Dès lors faire de la musique devient une évidence. Jeanne choisit le violoncelle (« parce qu’elle était amoureuse d’un grand de CM2 qui en jouait ») sous la férule d’un père qui joue les mentors et ne lui fixe d’autre but que de s’amuser. Mais il faudra attendre ses 17 ans pour Jeanne éprouve le désir de se consacrer entièrement à la musique, elle qui avant ce moment pestait à l’idée de faire des exercices « car comme beaucoup d’enfants, je manquais de persévérance », raconte l’intéressée.

A ses 18 ans, Jeanne quitte Reims où elle est née pour le Conservatoire de Paris pour étudier le chant et le violoncelle. Son premier groupe No Sugar Added Quintet avec notamment Sylvain Bernard au piano propose principalement de la musique instrumentale (Shorter, Wheeler. . . ), « avec d’excellents musiciens, et une bonne blague dont j’étais assez contente à l’époque. » C’est ensuite au sein du trio Yes A Plesant Country qu’elle fait vraiment parler d’elle. Pendant une dizaine d’années, avec Bruno Ruder au piano et Vincent Lâ Quang, ils inventent une musique aérienne teintée de pop. Mais Jeanne met les voiles pour Melc, que Jeanne considère une nouvelle étape dans son parcours musical. A raison,  puisque que c’est avec cette formation qu’elle enregistre un joli disque salué par la critique.

C’est en faisant la première partie de Napoli’s Wall de Louis Sclavis avec ce groupe que Jeanne rencontre le violoncelliste Vincent Courtois, à l’été 2005.  Ce dernier lui demande de rejoindre son quartet où elle chante et joue du violoncelle. C’est ensuite au tour de Septet Ilium de Pierre de Bethman de faire appel aux talents de vocaliste de Jeanne. Le fait de les rejoindre revêt une grande importance car « elle se sent pousser des ailes » «devant ses tueurs » avec qui elle va enregistrer deux disques. Jeanne participe aussi à Bruit du sign en compagnie de Nicolas Stéphan au sax. Une expérience qu’elle considère comme « une longue et belle aventure musicale avec des amis. J’ai le souvenir d’un apprentissage du travail en groupe , ainsi que d’un sublime voyage en Ethiopie. » Parallèlement elle continue de se produire avec son groupe de cœur Yes Is A Pleasant Country. Une manière de garder un pied dans le jazz. Car Jeanne est insensiblement entraînée vers le monde du rock qui à son goût est trop souvent coupé du monde du jazz.

Cette année 2013, en compagnie de Marielle Chatain (sax, percussions, claviers) Jeanne propose un duo étonnant et très rythmique. C’est l’évolution de ces performances à la couleur très rock où les percussions et les claviers en rajoutent sans cesse qui va aboutir à son premier EP en 2011, puis à son premier album pop-rock Be Sensationnal paru en juin 2015. Une merveille d’album tant Jeanne parvient à (ré)concilier le jazz, la pop et le rock, repoussant de manière élégante la frontière que les bien-pensants ont tenté d’établir entre les genres. Un sacré tour de force qu’il faut saluer dans un monde musical monocolore et où le choix de faire ce que l’on veut équivaut souvent à un suicide. Bravo Jeanne !. Zack Badji

Illustration: aquarelle de Régine Coudol-Fougerouse

 

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