JAMES CARTER

Prenez de la justesse et de la précision, ajoutez-y une bonne dose de vitesse et vous obtenez le jeu de James Carter. C’est à  Detroit, ville de l’automobile et d’Iggy Pop qu’il voit le jour en 1969 et comme la plupart des afro-américains, découvre la musique à l’église. Puis Carter tombe amoureux du saxophone à l’âge de onze ans et décide quitter le Michigan pour s’installer à New-York alors qu’il vient de fêter ses vingt ans.

La première attention notable faite au jeune James Carter vient de l’immense Lester Bowie, qui séduit par le talent précoce du jeune homme, l’invite à joue dans  son New-York Organ Ensemble. Lorsqu’il sort un premier album intitulé « Tough Young Tenors :Alone Toghether » où il est accompagné par d’autres jeunes pousses en 1991, le monde du jazz voit en lui le nouveau génie du jazz qu’on attendait depuis John Coltrane. Chose extrêmement rare, il est immédiatement reconnu pour sa virtuosité sur l’ensemble de la gamme des saxophones, ainsi qu’à la clarinette et  élu meilleur saxophone baryton trois ans de suite au point d’être adoubé par Winton Marsalis himself. C’est vous dire. .  .

Certains, visionnaires, comme Jean-Louis Chautemps, voient alors en lui le prototype du « musicien post-moderne ». A savoir « celui qui s’accorde, sans états d’âme, le droit de renouer avec le passé et veut en finir avec la tyrannie de l’innovation ». D’autres, comme Michel Contact, sans doute agacés par son éclectisme forcené voient en lui un improvisateur sous influences, atteint de « pantagruélisme saxique » ». Sévère le bonhomme !

Le principal concerné est bien conscient des passions et des querelles de chapelles qu’il peut déclencher, mais n’en a cure et évacue tout cela d’une chiquenaude. Pour James Carter,  tous les styles de jazz appartiennent au même continium. « Je suis persuadé qu’une compréhension spirituelle permet de transcender tous les académismes « . Et vlan ! Pour preuve de son amour pour toutes les musiques, ce fou de Django dont il connaît par cœur tous les solos n’a pas hésité à suivre le guitariste manouche Dorado Smith en tournée « rien que pour le fun ».

C’est que ce fou de saxophone aime prendre tous les risques et son art tient avant tout d’un patchwork où s’entrechoquent graves et aigus, classic, modern et free jazz. Les notes s’éloignent dans des écarts harmoniques monstrueux, s’éparpillent, puis se retrouvent comme par enchantement en un son énorme. Le jeu de Carter revendique la liberté harmonique et un goût prononcé pour l’improvisation car James Carter fait partie de cette race de musiciens en voie de disparition qui donnent l’impression de se jeter du haut d’une falaise quand il entame un solo. Comme une pierre dans le vide, l’auditeur a l’impression qu’il va se fracasser sur la mélodie, mais quand tout semble perdu, il se rétablit miraculeusement par une prouesse technique dont lui seul a le secret. Son jeu nomade affirme le droit une liberté de circulation entre les sons et les époques. «Je ne cherche pas à brouiller les pistes mais je refuse de me laisser enfermer dans une image. L’impossibilité de classifier un artiste, c’est le secret de sa longévité », assène-t-il à ses détracteurs.

Au début « bouillonnant », James Carter s’est aujourd’hui forgé un style savamment maîtrisé qui s’impose comme un tourbillon de styles où se mêlent tous les jazz, celui d’hier, celui d’aujourd’hui, et partant celui de demain. Ainsi, il fascine par son encyclopédique culture de la musique car il connaît sur le bout des doigts tous les maîtres et réconcilie Coleman Hawkins avec John Coltrane ou Miles Davis avec Ben Webster et cela avec la désinvolture désormais légendaire que lui permet sa prodigieuse mémoire des notes. Celui que certains appellent  « Beau James » Carter peut agacer à cause de son caractère de dandy toujours tiré à quatre épingles, mais ce qu’il faut retenir de lui se trouve certainement ailleurs. Dans son amour immodéré pour la musique, généreux au point de ne pas demander de cachet pour accompagner des nouveaux talents, et toujours prêt pour un jamm session dans des clubs plus ou moins obscurs de Big Apple ou d’ailleurs.C’est avant tout un « saxomaniaque » pour qui rien ne compte à part la musique et qui sait mieux que quiconque, donner l’ivresse des profondeurs aux amoureux de jazz.  Zack Badji    

Illustration: aquarelle de Régine Coudol-Fougerouse              

 

 

2 commentaires

Le 25 janvier 2012 Ju

Toujours aussi bon !

Le 29 janvier 2012 Josann

Bravo Réfou, Je viens d'écouter James Carter, jusqu'à la fin. Il est fabuleux et les musiciens aussi. Très beau choix d'artistes, félicitations !

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