GROUNDATION

  Qu’est-ce qui peut pousser trois jeunes étudiants blancs, brillants de surcroît, et inscrits dans une des plus prestigieuses universités américaines à tout laisser tomber pour tenter une aventure que leurs proches qualifieront de démente ? Le reggae, bien sûr !Une passion qui les dévorait déjà tout petits car Harrison Stafford, futur chanteur et leader de Groundation baigne dans la musique dès sa naissance puisque son père était pianiste de jazz tandis que son frère passait la journée à écouter des disques de Bob Marley et de Peter Tosh. Le reggae est donc la première musique à bercer son enfance et Marcus commence à se passionner très tôt pour le rastafarisme et voyage en Jamaïque alors qu’il est tout juste adolescent.

 L’aventure Groundation commence quant à elle en 1996 quand Marcus Stafford, Marcus Urani et Ryan Newman se rencontrent à l’université californienne de Sonora. Ils ont en commun la passion du reggae même s’ils sont inscrits dans un cursus musical spécialisé en jazz mondialement reconnu où sont étudiées l’histoire du jazz, la théorie l’improvisation, la composition et l’orchestration.

 Mais en 1998, l’attrait de la Jah music est plus fort et ils laissent tout tomber et fondent Groundation. Leur projet musical qui consiste dans un retour aux sources du reggae transparaît déjà dans le choix du nom de leur groupe, les groundations faisant référence à ces réunions où les esclaves marrons échappés des plantations de canne à sucre en Jamaïque allaient se réfugier dans les montagnes pour échapper aux chasseurs de têtes lancés à leur poursuite. Le soir venu, ils sortaient leurs tambours pour exorciser leurs peurs et demander protection aux forces de la Terre. Une pratique qui existe d’ailleurs toujours dans les communautés rasta disséminées un peu partout dans le monde.

C’est à l’été 1998 que les premiers fruits issus de Groudation sont mûrs sous la forme d’une cassette (qui est à l’origine du troisième album, « Hebron Gate ») et deux cd (« Tribute to the Roots » et « Dub at the Roots »). Cependant, ils ne seront jamais publiés et il faudra attendre 1998 pour voir Groundation arriver sur le marché. Le groupe sort « Young Tree » un album solaire enregistré aux studios Walford en Californie et qui compte en son sein de véritables pépites. Juste après la sortie de cet opus, Hamilton Stafford et Kris Dilbeck fondent leur propre label :Young Tree Records Incorpation, ce qui leur permet de gagner plus d’autonomie par rapport aux maisons de disques.

En 2000, David Chachere et Kesley Howard se joignent au groupe. Le premier est un trompettiste de jazz qui vient de San Francisco, le second est un jeune tromboniste de North Bay en Californie. Puis deux nouveaux membres vont arriver comme le batteur Paul Spinna qui jouait pour d’autres musiciens comme l’excellent bassiste Les Claypool de Primus.

 Le second album « Each One Teach One » sort en 2002 et voit la participation de plusieurs monstres sacrés du reggae : Ras Michael, Marcia Higgs (fille de Joe Higgs, mentor de Marley à ses débuts)  ou l’ingénieur du son Overton Browne dit « The Scientist ». La carrière scénique de Groundation coïncide avec la sortie de cet album puisque la bande à Stafford débute l’année suivante un long périple en Californie et à Hawaii. 2006 est une année faste pour le groupe. L’album « Hebron Gate », troisième opus du groupe californien sorti cette année – là, reçoit un accueil dithyrambique de la part des critiques qui lui ouvre les portes des World Music Awards. Notons que quelques mois plus tard, Marcus Urani (claviers) et Jim Fox (basse) enregistrent sans Stafford un LP (vinyle), regroupant les versions dub (reggae instrumental) de certains morceaux contenus dans « Hebron Gate ».

 Groundation fait de plus en plus parler de lui et 2005 est l’année de la consécration. La tournée estivale est un triomphe et les californiens figurent à l’affiche  des plus grands festivals européens comme Summer Jam Festival en Allemagne, le Reggae Sun Ska ou le Ja Sound Festival au cours desquels Groundation côtoie de véritables mastodontes comme Steel Pulse, Israel Vibration, Toots and The Maytals, Gladiators, Gentleman, etc. Aussitôt après, Groundation s’envole pour la Suède, le Danemark et pour la première tournée brésilienne de sa jeune histoire, le nombre de spectateurs frôle des records.

 Tout auréolé de ces succès scéniques, Groundation rentre en studio et sort « Dub Wars » aux USA en janvier 2005. Cet album dub, le premier de Groundation, renferme des titres déjà parus dans le précédent album comme « Dragon War » auxquels s’ajoutent les nouvelles versions de titres qui figuraient sur « We Free Again ». Le dub y est pur, puissant et exprime la nature contemplative et pacifique de la formation californienne qui prouve à l’occasion qu’elle a la magie des grands.

 Suivront deux autres albums, « Upon The Bridge » en 2006 et l’album concept « Rockamovya » à l’occasion duquel les trois membres fondateurs de Groundation (Harrisson Stafford, Marcus Urani et Ryan Newman), fidèles à l’idée de partage qui les porte depuis leurs débuts, se joignent au batteur jamaïcain Leroy « Horsemouth » Wallace et lancent le concept Rockamovya. Le nom vient du patois jamaïcain et signifie « montrer la puissance et l’unité de la musique.

Après d’incessants aller- retour entre la Californie et la Jamaïque, Groundation et « Horsemouth » Wallace sortent l’album « Rockamovya » en 2008. C’est un retour probant aux sources du reggae et une sorte de revival de différents styles comme le ska, le jazz et le rock steady, l’ancêtre du reggae moderne. Mais c’est en 2009 que Groundation commet l’album de la maturité dont le seul titre, « Here I Am » (« Me Voilà ») exprime l’idée selon laquelle il faudra désormais compter avec la bande à Stafford. Cet opus renferme des titres puissants comme « Beating Heart », Run The Plan » ou le très profond « Not So Simple » et confirme si besoin en était que le reggae n’est plus l’apanage des seuls Jamaïcains. L’album« Here I Am » reflète l’évolution permanente que l’on peut noter chez les Groudation depuis 2003, tant au niveau musical que philosophique  et nul doute que l’album qui nous sera livré en 2012 sous le titre de « Building An Ark » établira définitivement la légitimité des californiens en tant que porte-drapeau de la Jah music. Porté par  le mysticisme et le charisme du leader Harisson Stafford , le Groundation n’a certainement pas fini de rassembler les peuples et de nous émouvoir.  Zack Badji    

Illustration: aquarelle de Régine Coudol-Fougerouse

Un commentaire

Le 5 mars 2012 julien

encore une belle découverte !

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