Habib Koité

Habib Koité - hp.

Habib Koite fait partie de ces rares musiciens africains qui ont choisi de rester sur place alors que l’Occident leur tendait les bras. Convaincu que les Africains pouvaient surmonter leurs difficultés à force d’efforts, il s’est investi à corps perdu dans l’éducation et la formation des jeunes Maliens  comme en atteste sa récente participation à la campagne de sensibilisation contre le virus Ebola. Panafricaniste convaincu, Habib est parvenu à fédérer une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest à sa cause dans un militantisme joyeux qui trouve toute son expression dans le titre  Cigarette A Bana (« La cigarette c’est fini »). Bien qu’étant Malien, Habib Koité est  né en 1958 à Thiès au Sénégal,un pays qu’il n’aura pas le temps de connaître puisque sa mère retourne à Kayes au Mali quand il a un an. C’est là que le jeune Habib découvre la musique et se fait patiemment une oreille d’abord auprès de sa mère une griotte Khassonké qui lui transmet les rudiments du chant, puis auprès de son père, un habile guitariste et joueur de ngoni, la guitare traditionnelle malienne.

Après ses études secondaires, Habib se destine à une carrière d’ingénieur, mais un de ses oncles convaincu des dons musicaux de son neveu, le persuade de s’inscrire à l’Institut National des Arts (INA) de Bamako :« je me suis rendu compte que j’étais dans mon élément », confie-t-il aujourd’hui, un peu d’émotion dans la voix à l’évocation de cette étape décisive.

Quatre ans plus tard Habib sort de l’INA major de sa promotion et alors qu’il pense fonder son propre orchestre, la direction de l’établissement séduite par le sérieux et le talent d’Habib lui propose un poste de professeur de guitare. Une fonction qu’il occupera jusqu’en 1998 avec un engagement passionné : « j’ai imposé que les élèves puissent emmener leurs guitares à la maison pour travailler après les cours », se rappelle Koité. Parallèlement, Habib commence son apprentissage de la scène au sein du groupe les Crocos,forme un duo de guitares avec Oumar Koïta,joue dans un quartet de jazz avec des amis français fonctionnaires à Bamako ou écume les clubs en compagnie de musiciens ivoiriens. Bref,Habib a faim de musique et ne rate aucune occasion de se faire la main. Les choses sérieuses commencent en 1988 quand il forme avec des amis d’enfance son groupe Bamada (surnom des habitants de Bamako signifiant « dans la gueule du crocodile ».

Mais les débuts sont difficiles et nos musiciens en herbe doivent faire avec les moyens du bord : « on a commencé à répéter dans les chambres, chez nous,puis dans les bars, des soirées dansantes comme à l’Ecuelle, un bistrot où l’on jouait régulièrement » se souvient Habib.  Dès cette époque,Habib marie habilement le poids de sa tradition de griot  à une virtuosité instrumentale étonnante. En cela, il est unique puisqu’il rassemble différents styles tout en gardant le fondement de sa musique, à savoir la danssa, un rythme populaire de sa ville natale de Kayes : « je suis curieux de toutes les musiques et contrairement aux musiciens maliens qui ne jouent que leur propre musique ethnique, je prends toutes ces traditions et d’en faire quelque chose », confie Habib. Cette option semble être la bonne puisque les organisateurs du festival Voxpole à Perpignan lui décernent le Premier prix ce qui lui permet de d’enregistrer ses deux premiers titres dont  Cigarette A Bana qui lui vaut un joli succès dans toute l’Afrique de l’Ouest, grâce à un vidéoclip ingénieux largement diffusé sur les télévisions africaines.

En France, le morceau est remarqué par RFI et Habib reçoit le Prix Découverte en 1993. Grâce à Contre-Jour, un département de production fondé par le Belge Michel de Bock ( concepteur lumière de l’Ensemble Koteba d’Abidjan), Habib et le Bamada entament leur première tournée sur le vieux continent au printemps 1994.

Muko So, le premier album d’Habib sort l’année suivante et finit de convaincre de l’incroyable talent de l’enfant de Bamako. Une série de concerts enthousiastes cimente la réputation d’Habib Koité et de ses musiciens notamment sur la scène des grands festivals européens. Très bien accueilli par la critique, son deuxième opus Ma Ya sort en 1998 et sera nominé en deuxième place des World Music Charts Europe en 1999. Pour la promotion de son CD aux Usa, Habib rencontre de grands noms de la musique afro-américaine dont le bluesman Eric Bibb avec qui il sortira un album plus tard. En 2001, son troisième album Baro fait allégeance à la culture mandingue et comme le précédent, il s’écoulera à plus de 100 000 exemplaires. Après de nombreuses collaborations notamment le guitariste sud-africain Louis Mahlanga, Habib retrouve le chemin des studios à la fin de l’année 2006. Un an plus tard,sort Afriki un album sobre et envoûtant qui conjugue à merveille folk et rythmiques chamarrées dans une rencontre parfaite de modernité et de tradition. Habib y développe un chant plus intimiste à travers lequel on peut aisément sentir le besoin impérieux de fédérer les différentes identités musicales du peuple malien. Dans Afriki Habib combine tout aussi bien les traditions des chasseurs du Wassoulou que les mélodies Bambara de Ségou des influences reggae ou les chants Tamasheq de Tomboctou.  Dans la foulée, Habib est sollicité pour de diverses et fructueuses collaborations dont Acoustic Africa ou Brothers in Bamako, un album avec le bluesman américain Eic Bibb. Cet opus enregistré dans une chambre d’un hôtel bamakois aménagée en studio lui a permis de parcourir les festivals de l’été 2012, soit 35 dates au total !

En janvier 2014 arrive dans les bacs  Soo, la dernière livraison  d’Habib Koité que lui et son nouveau groupe ont concoctée à Bamako puis mixée et finalisée en Belgique. Un magnifique cadeau d’anniversaire pour célébrer les vingt de carrière internationale, un temps pendant lequel Habib Koité n’aura jamais renoncé à son pari de vulgariser la musique africaine tout en donnant une image plus reluisante d’une Afrique qui souffre, plie, mais ne rompt pas.  Zack Badji

Illustration: aquarelle de Régine Coudol-Fougerouse

 

 

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