Etana

ETANA t
Considéré (à tort ou à raison) comme un milieu très misogyne et fermé où la femme est considérée comme un objet, le reggae est aujourd’hui en pleine mutation. Après Rita Marley et les I-Threes dans les années 70-80,c’est au tour de jeunes femmes comme Dezarie la lionne du reggae, Sellah Sue ou Nneka de revendiquer une place sur la scène reggae.

La jamaïcaine Etana est certainement en train de marcher dans leurs traces, elle qui en l’espace d’un album a affolé tous les compteurs. Jugez-en plutôt : en 2009 seulement, Etana a remporté les titres de meilleur album de l’année en Jamaïque, meilleur album aux Mobo Awards, meilleure artiste féminin aux EME Awards. Et la liste n’est pas exhaustive.

De son vrai nom Shauna Mackenzie, Etana est née le 22 mai 1983 à Kingston en Jamaïque. En 1991, elle devient célèbre quand avec son groupe Air Supply, elle entre dans les charts. Le monde découvre une gamine de huit ans au bagout incroyable, mais il y a surtout cette voix anormalement mature, capable de passer des aigues aux graves en un clin d’œil. Alors qu’on lui prédit une carrière en or dans son pays natal, Etana décide de tenter le pari de percer aux Usa. « certains ont dit que je faisais un pari fou, mais j’avais besoin de grandir loin du cocon familial, et je suis partie », explique-t-elle.

En 1992, Etana s’inscrit au Broward Community College de Floride où elle suit une formation pour devenir infirmière. Mais en 2000, elle arrête tout pour se lancer dans la musique au sein d’un groupe vocal féminin dénommé Gift. Très vite Etana attire l’attention de Universal Records, mais alors qu’elle est sur le point de signer, Etana met fin aux pourparlers. La jeune femme explique son refus par le fait qu‘elle refusait «le diktat des grandes maisons de disques qui ne visent qu’à répandre des stéréotypes négatifs quand il s’agit d’artistes féminines ».

Etana retourne dans sa ville natale de Kingston et se concentre afin de produire une musique reflétant son engagement dans les principes du Rastafarisme qui donnent une place centrale à la femme à travers les enseignements de Marcus Garvey et Haile Selasie..

L‘opportunité se présente en 2005 quand un de ses amis convainc la maison de disques Fifth Element Records qui s’était fait connaître la même année en mettant sur le marché le mega tube de Richie Spice Earth A Run Red . Il est demandé à Etana de devenir choriste de Richie Spice et après avoir brillamment passé l’audition, la jeune chanteuse s’embarque avec le chanteur jamaïcain pour une longue tournée en Europe et aux Etats-Unis. Très vite elle persuade les musiciens de Richie Spice qui décident de l’accompagner . Cette collaboration va accoucher du single « Wrong Adress », un savant mix de reggae roots matiné d’influences néo soul et où elle raconte l’histoire tragi-comique de sa tante contrainte de mentir sur son adresse pour obtenir un emploi.

Le single devient numéro 1 et reçoit un accueil plus que favorable auprès des radios qui vont le placer en boucle, marquant ainsi de manière fracassante l’entrée dans le ghotta des musiciens jamaïcains.
Très attachée à l’ Afrique, c’est au Ghana où elle va souvent pour se ressourcer qu’Etana va gagner ses galons de star mondiale lors d’un concert en présence de la Présidente du Ghana herself.
De ces pérégrinations sur la terre de ses ancêtres, naîtra le désormais célèbre « Roots « single dans lequel elle réaffirme sans complexe son identité africaine.

Le fruit était enfin mûr, et en 2008, Etana publie son premier album au nom évocateur de The Strong One comme un pied de nez aux obstacles qui avaient jalonné son parcours. S’ensuivront trois autres albums, Free Expressions en 2011,Better Tomorrow en 2013 et I Rise en 2014.

Le secret de son ascension est certainement lié au fait que malgré son jeune âge, Etana est comme une sorte de bibliothèque où sont rassemblées toutes les époques du reggae mais aussi parce que la native de Kingston sait toucher tous les publics du fait de son extraordinaire polyvalence. Le message contenu dans sa musique est tout aussi puissant, car pour Etana, sa musique est pratiquement un sacerdoce, une arme pour l’émancipation des masses.Zack Badji

Illustration: dessin de Régine Coudol-Fougerouse

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