Cheikh Tidiane Seck

CHEIKH TIDIANE SECK illustration Régine Coudol-Fougerouse.t

 

Cinq ans après son éclectique Mandingroove, Cheikh Tidiane Seck le guerrier toucouleur des claviers est de retour dans les bacs. Depuis le 14 juin dernier, les fans du Bouddha Noir ont pu découvrir « Guerrier », un album de douze titres fluides où comme d’habitude, Cheikh Tidiane Seck assouvit largement sa soif de rencontres et de mix entre les différentes cultures.

 Pourquoi Cheick a-t-il  choisi ce titre ?, me direz-vous. Serait-il violent ou belliciste ? Heureusement que non pour ses éventuels adversaires vu la carrure du Black Bouddha. Ce titre reflète plutôt l’atypique parcours musical de Cheick Tidiane Seck qui aura attendu plus de trente ans dans l’ombre des plus grands avant de sortir son premier album!

 Pourtant de son Mali natal en passant par Paris et Abidjan, Cheikh Tidiane Seck fut de toutes les aventures de la world music actuelle notamment aux côtés de monstres sacrés comme Dee Dee Bridgewater, Joe Zawinul, Hank Jones ou Living Colour. Depuis toujours, Cheikh Tidiane Seck n’a pas  son pareil pour  insuffler aux musiciens qu’il croise le trépignement incessant du continent noir en mariant intelligemment les sons occidentaux aux instruments africains.

De  Ségou à Paris,  une long voyage vers la reconnaissance

L’histoire du Black Bouddha commence à Ségou au Mali où il voit le jour en 1953. Passionné de musique, il convainc ses parents de le laisser faire de la musique son métier. Dans cette Afrique fraîchement indépendante où la musique apparaît encore comme une perte de temps, la tache et plus qu’ardue, mais devant la ténacité du jeune Cheikh, ses parents s’inclinent et le laissent partir pour Bamako où il s’inscrit à l’Institut National des Arts.

 Cette période est marquée par un bouillonnement artistique intense en  Afrique où les jeunes citoyens des nouvelles nations entendent participer au réveil des populations. Nul besoin d’expliquer que la musique est pour eux le meilleur vecteur de leur combat et l’on voit émerger ça et là des formations qui vont participer à l’éclosion de ce que l’on appelle désormais la musique africaine moderne.

 Les Sénégalais de Xalam et Touré Kunda, les Gambiens d’Ifanbondy, le Nigérian Fela Kuti ou le fameux Rail Band du buffet de la gare de  Bamako vont de manière différente participer à l’émergence de genres nouveaux où se côtoient aisément jazz, folklore, rock ou reggae.

 C’est au sein du Rail Band de Bamako que Cheikh fait vraiment ses armes aux côtés de futurs monstres sacrés que sont Salif Keïta et Mory Kanté. A cette époque déjà Cheikh ne se prive pas de critiquer le régime du colonel moussa Traoré, le chef de la junte militaire au pouvoir depuis un coup d’état en 1968.  Ce côté rebelle  lui vaut rapidement le surnom de Che Guevara mais aussi de nombreux ennuis de la part du pouvoir en place. Suite à d’innombrables brimades, Cheikh décide de s’exiler à Abidjan, centre névralgique de la musique africaine de l’époque. Il y étale toute sa classe tant aux claviers, à la guitare et au chant.

Mais la capitale ivoirienne s’avère vite trop petite pour le Black Bouddha qui s’envole pour Paris en compagnie de Salif Keita et de son orchestre les mythiques Ambassadeurs. Dès lors, il ne cessera plus de multiplier les collaborations et se fait un nom sur la scène des musiques métissées dont il reste l’un des piliers malgré des aller-retour incessants entre le Mali et les Etats-Unis. Pour l’heure musicien de l’ombre, il va accompagner les plus grands comme Wayne Shorter, ou le pianiste Hank Jones qui à l’instar de beaucoup de ses homologues est désireux de retrouver ses racines africaines. Cette collaboration avec Jones accouche en 1995 du superbe album Sarala, savant mélange où se mêlent avec finesse jazz classique et musique traditionnelle mandingue. Plusieurs années plus tard, c’est la chanteuse américaine Dee Dee Bridgewater qui va emboîter le pas à son aîné. Cheikh réunit pour elle la crème des musiciens africains et au final, le projet accouche du superbe Red Earth qui rencontrera aussi un éclatant succès.

Un premier album à cinquante ans !  

C’est finalement à l’âge d cinquante ans que Cheikh va réaliser son premier album solo ; Sorti en 2003, l’album Mandingroove, comme son nom l’indique fait un round up des sonorités africaines tout en ouvrant la voie à de jeunes pousses de la scène malienne naissante comme Lassi King Lassassi. En 2008, Cheikh récidive avec Sabaly, un opus auquel participe ses vieux complices Bridgewater et le saxophoniste Manu Dibango et de nombreuses pointures de la scène malienne comme la diva Oumou Sangaré, l’immense Toumani Diabaté ou encore Amadou & Mariam. Devenu un pilier de la musique africaine, Cheikh n’en continue pas moins d’enflammer les scènes du monde entier, gardant intacte cette soif inextinguible de musique et de partage. Bonne route au Black Bouddha qui n’ a certainement pas fini de nous étonner. Zack Badji

Illustration : dessin de Régine Coudol-Fougerouse

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